Le Midi Libre - Culture - la littérature face aux défis du numérique
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Edition du 31 Juillet 2025



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Yasmina Khadra :
la littérature face aux défis du numérique
31 Juillet 2025

Dans l’ambiance feutrée du Théâtre "La Fourmi" à l’hôtel Liberté d’Oran, l’écrivain algérien de renommée internationale, Yasmina Khadra, a captivé son auditoire lors d’un débat littéraire vibrant. Connu pour ses œuvres qui explorent les complexités de l’âme humaine et les réalités socio-politiques de l’Algérie, l’auteur, de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, a partagé une vision optimiste mais lucide sur l’avenir de la littérature dans un monde en profonde mutation. Face à l’essor fulgurant des réseaux sociaux et à l’avènement de l’intelligence artificielle, il a affirmé avec conviction que « le livre aura toujours sa place », une déclaration qui a résonné comme un plaidoyer pour la pérennité de l’écrit.

Ce débat, organisé dans l’une des villes les plus dynamiques sur le plan culturel en Algérie, a permis à Yasmina Khadra de dialoguer avec un public varié, composé d’amateurs de littérature, d’étudiants, et de figures intellectuelles locales. Oran, ville au riche passé littéraire, connue pour avoir inspiré Albert Camus, continue de jouer un rôle central dans la promotion de la lecture et de la pensée critique en Algérie. À travers ses propos, Khadra a non seulement défendu la valeur intemporelle du livre, mais il a également abordé les défis auxquels la littérature est confrontée dans un contexte dominé par les nouvelles technologies et les changements dans les habitudes de consommation culturelle.

La littérature face aux défis du numérique
Dans un monde où les écrans captent une part croissante de l’attention, en particulier chez les jeunes générations, Yasmina Khadra a tenu à nuancer les discours alarmistes qui déplorent un prétendu désintérêt pour la lecture. « Ce n’est pas que les jeunes ne lisent pas. Lorsqu’on leur propose une belle œuvre, ils la lisent », a-t-il déclaré avec assurance. Pour appuyer son propos, il a évoqué l’engouement observé lors du dernier Salon international du livre d’Alger (SILA), où des foules impressionnantes se sont rassemblées autour de certains auteurs. « Il y avait de véritables marées humaines autour de certains stands. C’est une preuve que le livre suscite encore un grand intérêt », a-t-il ajouté, insistant sur la capacité de la littérature à mobiliser les lecteurs lorsqu’elle est portée par des récits authentiques et percutants.
Cependant, l’écrivain n’a pas éludé les défis posés par la montée en puissance des réseaux sociaux, qu’il a qualifiés de « pièges » pour les jeunes. Selon lui, ces plateformes, bien qu’offrant des opportunités d’échange et de diffusion, favorisent souvent une consommation rapide et superficielle de l’information, au détriment de l’approfondissement que permet la lecture d’un livre. Les réseaux sociaux, avec leurs formats courts et leurs contenus souvent sensationnalistes, détournent une partie du public, en particulier les jeunes, des œuvres littéraires qui demandent du temps et de la réflexion. Pourtant, Khadra reste convaincu que la littérature conserve un attrait unique, capable de rivaliser avec ces distractions numériques lorsqu’elle touche le cœur et l’esprit des lecteurs.

Une identité littéraire ancrée dans l’Algérie
Au cours de ce débat, Yasmina Khadra a également partagé des réflexions personnelles sur son parcours et son rapport à la littérature. Écrivant en langue française, il a tenu à souligner que ses œuvres restent profondément ancrées dans la culture et l’histoire algériennes. « Je raconte l’Algérie dans mes livres », a-t-il affirmé, rappelant que son choix du français comme langue d’écriture ne diminue en rien l’essence algérienne de ses récits. Ses romans, tels que L’Attentat, Les Hirondelles de Kaboul ou Ce que le jour doit à la nuit, explorent les blessures, les espoirs et les contradictions de l’Algérie et du monde arabe, avec une sensibilité universelle qui a conquis un public international.
Khadra a également évoqué son lien avec la langue arabe, qu’il considère comme une partie intégrante de son identité, même s’il écrit principalement en français. Cette dualité linguistique, loin d’être un obstacle, enrichit son œuvre en lui permettant de tisser des ponts entre différentes cultures. Il a insisté sur le rôle de la littérature comme vecteur de dialogue et de compréhension mutuelle, capable de transcender les frontières linguistiques et géographiques. Pour lui, écrire est un acte de résistance et de mémoire, un moyen de préserver l’histoire et les valeurs d’un peuple tout en s’adressant à l’humanité tout entière.

Une indignation face à l’injustice
Interrogé sur ses projets futurs, Yasmina Khadra a laissé entrevoir une nouvelle œuvre marquée par une « indignation légitime » face au génocide perpétré par l’entité sioniste contre le peuple palestinien. Sans dévoiler de détails précis, il a exprimé son intention de continuer à utiliser sa plume comme une arme pour dénoncer les injustices et défendre les causes humaines. Cette prise de position, fidèle à l’engagement qui caractérise son œuvre, reflète sa conviction que la littérature doit non seulement divertir ou émouvoir, mais aussi interpeller et provoquer une réflexion sur les grands enjeux de notre temps.
La question palestinienne, omniprésente dans le débat public algérien, trouve un écho particulier dans les propos de Khadra. En tant qu’écrivain engagé, il a toujours mis un point d’honneur à aborder des sujets sensibles, qu’il s’agisse des conflits, des injustices sociales ou des luttes pour la dignité. Cette annonce d’un futur projet centré sur la Palestine a suscité l’intérêt du public oranais, qui voit en Khadra un porte-voix des causes justes, capable de porter la voix des opprimés sur la scène internationale.
La littérature comme rempart culturel
Au-delà de son propre parcours, Yasmina Khadra a profité de cette tribune pour défendre la littérature comme un rempart contre l’uniformisation culturelle et la perte des valeurs. Dans un monde où l’intelligence artificielle commence à infiltrer la création artistique, il a insisté sur l’irremplaçabilité de l’expérience humaine dans l’écriture. « Un livre, c’est une rencontre entre une âme et un lecteur », a-t-il déclaré, soulignant que ni les algorithmes ni les réseaux sociaux ne peuvent reproduire cette connexion unique. Pour lui, la littérature reste un espace de liberté, où les idées, les émotions et les expériences humaines s’entrelacent pour offrir une réflexion profonde sur le monde.
Khadra a également appelé à une mobilisation collective pour encourager la lecture, en particulier chez les jeunes. Il a plaidé pour une meilleure accessibilité des livres, notamment à travers des initiatives comme les bibliothèques publiques, les clubs de lecture et les événements littéraires. Le succès du SILA, qu’il a cité comme exemple, témoigne du potentiel de ces initiatives à revitaliser l’intérêt pour la lecture. Il a également salué le dynamisme de la scène culturelle oranaise, qui continue de faire vivre la littérature à travers des événements comme ce débat au Théâtre "La Fourmi".
Défis et espoirs
pour l’avenir de la lecture
Le débat a également été l’occasion d’aborder les défis structurels auxquels fait face la littérature en Algérie. Malgré l’enthousiasme des lecteurs lors d’événements comme le SILA, l’accès au livre reste limité par des contraintes économiques et logistiques. Les prix élevés des ouvrages, le faible réseau de librairies et l’absence de bibliothèques dans certaines régions sont autant d’obstacles à la démocratisation de la lecture. Khadra a appelé les autorités et les acteurs culturels à investir davantage dans l’édition et la distribution, afin de rendre les livres plus accessibles à toutes les couches de la société.
Il a également évoqué l’importance de l’éducation dans la promotion de la lecture. Pour lui, l’école joue un rôle clé dans l’initiation des jeunes à la littérature, en les exposant à des œuvres variées et en cultivant leur curiosité intellectuelle. « Un enfant qui lit deviendra un adulte qui pense », a-t-il affirmé, soulignant l’impact à long terme de la lecture sur la formation des esprits critiques et engagés.
Une voix algérienne universelle
Yasmina Khadra incarne, à bien des égards, la voix d’une Algérie plurielle et ouverte sur le monde. À travers ses romans, traduits dans des dizaines de langues, il a su porter les réalités algériennes sur la scène internationale, tout en abordant des thèmes universels comme l’amour, la guerre, l’exil et la quête de sens. Sa présence à Oran, ville symbole de la diversité culturelle algérienne, a renforcé ce message d’unité et d’ouverture. Les discussions avec le public ont révélé une soif de littérature et de débat, prouvant que, malgré les défis du numérique, le livre conserve une place centrale dans le cœur des Algériens.
En conclusion, la soirée littéraire au Théâtre "La Fourmi" a été bien plus qu’un simple débat : elle a été un moment de célébration de la littérature et de son pouvoir de rassembler. Yasmina Khadra, avec sa verve et son optimisme, a rappelé que le livre, loin d’être dépassé, reste un outil essentiel pour comprendre le monde et défendre les valeurs humaines. Alors que les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle redessinent le paysage culturel, l’écrivain algérien continue de croire en la capacité de la littérature à éclairer les consciences et à inspirer les générations futures. Son prochain projet sur la Palestine, porté par une indignation légitime, promet d’être une nouvelle contribution à cet engagement littéraire et humaniste.


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