Le Midi Libre - evénement - La fureur moralisatrice de la gauche « israélienne »
Logo midi libre
Edition du 21 Novembre 2023



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




La fureur moralisatrice de la gauche « israélienne »
21 Novembre 2023

Il n’y a plus de juste milieu. Il est impossible de soutenir l’occupant libéral, le nettoyage ethnique progressiste et le génocide de gauche.

est difficile d’écrire quoi que ce soit qui ne vise pas à informer sur le génocide en cours et à joindre notre voix à ceux qui font tout ce qu’ils peuvent pour y mettre fin. Cette idée est renforcée par des estimations aussi tragiques que, par exemple, une récente déclaration de l’Organisation mondiale de la santé selon laquelle toutes les dix minutes, un enfant est tué par l’armée israélienne à Gaza. Cependant, en ces heures sombres, on ne peut que tirer un certain espoir de l’énorme mouvement de solidarité qui ne cesse de croître dans le monde entier.

Ce mouvement ne cède pas aux tactiques alarmistes des gouvernements et politiciens et appelle au cessez-le-feu immédiat. Aussi horrible que soit ce chapitre de l’histoire de la Palestine moderne, il n’a malheureusement pas la capacité de changer la donne. La constellation de base des pouvoirs – locaux, régionaux et mondiaux – restera la même. Le changement pourrait être significatif si la lutte s’étendait pour inclure un soulèvement en Cisjordanie et à l’intérieur d’Israël, ainsi que l’ouverture de fronts à l’est et au nord d’Israël. À l’heure où ces lignes sont écrites, cela n’est pas encore le cas. Les élites politiques du Nord et de certains pays du Sud continueront d’accorder une impunité internationale aux politiques criminelles d’Israël sur le terrain. Pourtant, leurs sociétés civiles continueront dans l’ensemble à soutenir le mouvement palestinien de libération. Sur le terrain, le déséquilibre militaire entre Israël et les Palestiniens –

malgré l’attaque surprise – restera le même, et un certain nombre d’États arabes finiront par poursuivre le processus de normalisation. De même, se poursuivra la lutte en Israël entre colons messianiques et Juifs laïcs, chacun se battant pour sa propre version de l’apartheid. C’est dans ce contexte que je voudrais mettre l’accent sur la manière dont les sionistes libéraux, principalement à travers le journal Haaretz – mais aussi avec l’assistance des sionistes libéraux du monde entier – soutiennent loyalement les actions d’Israël. Cette logique incompréhensible se reflète aussi dans la façon dont les puissances occidentales se moquent de leur propre responsabilité concernant le génocide à Gaza. L’un après l’autre, les principaux porte-parole de la gauche sioniste publient quotidiennement des articles dans Haaretz, dans lesquels ils expriment leur fureur moralisatrice contre ce qu’ils appellent la gauche mondiale. Leur colère mérite d’être analysée, ne serait-ce que pour nous rappeler une fois encore pourquoi il y a très peu d’espoir de changement au sein d’Israël. La gauche sioniste est dans l’incertitude La gauche sioniste en Israël est dans les limbes.

D’une part, elle est ostracisée par la société juive qui, au mieux la considère naïve et, au pire, l’accuse de trahison. Ceci en réaction à leur soutien à la solution à deux États et à l’appel à mettre fin à l’occupation. Bien sûr, cette aliénation est encore plus aiguë depuis les événements du 7 octobre. D’autre part, elle n’est pas considérée, à juste titre, comme une véritable alliée de la lutte de libération palestinienne. Le plus grand espoir de la gauche israélienne était que la gauche mondiale, comme elle l’appelle, partage le même vocabulaire et la même attitude à l’égard de l’opération du 7 octobre menée par le Hamas ; à savoir qu’elle soutienne Israël inconditionnellement. La gauche israélienne a été scandalisée par le fait que, aux yeux de la gauche mondiale, l’opération du Hamas n’exonérait pas Israël de ses politiques criminelles passées ni ne donnait le feu vert à Israël pour sa politique génocidaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. À sa grande

surprise, la gauche mondiale dans son ensemble s’est ralliée aux appels à « arrêter la guerre » et à « libérer la Palestine », plutôt que de se faire l’écho de la réponse rabâchée par les gouvernements : « Nous soutenons le droit d’Israël à se défendre ». Israël et le colonialisme Ce qui est le plus éclairant – dans le dialogue entre sionistes libéraux dans les pages de Haaretz – est leur attaqueféroce contre quiconque associe le colonialisme à Israël. Pour une raison qui leur appartient, ils ont choisi comme principale coupable Judith Butler (ndt : philosophe universitaire, qui appelle au cessez-le-feu et s’oppose, avec d’autres intellectuels juifs américains aux actes commis par Israël avec le soutien étasunien), frustrant ainsi beaucoup d’entre nous, qui avons consacré notre carrière, probablement depuis les années soixante, à présenter le sionisme comme un colonialisme de peuplement.

Par : ILAN PAPPE

L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel